Plus habituellement, il s’entretient avec lui de leurs goûts communs ; dans les intervalles de loisir, le roi continue d’étudier sous sa tente et d’appliquer son esprit à tous les sujets ; mieux vaut, pense-t-il, dans cette courte vie, user soi-même de ses ressorts, « car ils s’usent sans cela inutilement et par le temps, sans que l’on en profite ». […] De Znaïm, par exemple, il écrira : « Les maisons ont toutes ici des toits plats à l’italienne ; les rues sont fort malpropres, les montagnes âpres, les vignes fréquentes, les hommes sots, les femmes laides, et les ânons très communs. […] Fouqué, à chaque présent dont il sent l’intention, est attendri ; il ne sait comment reconnaître cette amitié qui, depuis plus de trente ans, le cherche et l’honore, mais qui se multiplie surtout depuis que lui n’est plus bon à rien et n’est plus propre à y répondre que par ses sentiments : « Ce qui vous distingue, Sire, des autres princes, c’est que vous faites tant de bien à un homme qui ne peut, par le moindre service, vous en témoigner sa reconnaissance. » Quand il le voit étonné d’être l’objet de tant de soins, Frédéric le rassure simplement et par des mots naturels, puisés dans la meilleure et commune humanité : « Vous vous étonnez que je vous aime : vous devriez plutôt vous étonner si je n’aimais pas un officier de réputation, honnête homme, et de plus mon ancien ami. » Quoique Frédéric n’ait que cinquante-quatre ans lorsque Fouqué en a soixante-huit, il se fait exprès vieillard comme lui ; très brisé lui-même par les fatigues, il se suppose du même âge que son vieux compagnon : J’attends ici tranquillement dans mon trou le retour du printemps (9 février 1766) ; cette saison-ci n’est pas faite pour notre âge.