Le dieu inspirateur des poètes et des artistes, c’est la marée montante des associations, où toutes les ondes nerveuses, sous l’attraction d’une force commune, se soulèvent et s’entraînent l’une l’autre dans la masse frémissante du cerveau. […] Il y aurait alors pure succession, simple déroulement d’une série : dans le jugement, il y a perception de rapports, liaison logique entre tous les termes de cette série « Donc l’association des idées est l’occasion du jugement ; elle lui fournit une matière pour s’exercer, mais elle n’a en elle-même rien de commun avec le jugement103 ». — La conclusion dépasse énormément les prémisses : toute association n’est pas par elle-même un jugement, mais en résulte-t-il que le jugement n’ait rien de commun avec l’association ? […] On pourrait croire qu’on aura ainsi un dessin grossier et confus ; au contraire, les traits communs, les traits de famille, se renforcent si bien que les autres disparaissent, et l’image obtenue est très nette : c’est le type de la famille. […] En un mot, une image commune et un nom commun sont des représentations à forme dynamique et motrice au lieu d’être des représentations à l’état statique. […] « Le mot couleur est un nom commun parce que je puis, moi, dis-je, et non lui, le poser à mon gré sur le bleu, le blanc, le rouge ;-il devient l’instrument et l’esclave docile de mon intelligence, qui seule est générale, c’est-à-dire non bornée dans son exercice à un point du temps et de l’espace infranchissable. » (La Liberté et le Déterminisme.)