Le soleil, par exemple, a un nom dans toutes les langues ; entendons-nous par là un être physique individuel, ou le genre commun d’une série d’apparitions éphémères ? […] Si l’on envisage le signe dans la vie sociale, le caractère de signe paraît consister dans la possibilité pour un état interne d’être matériellement réalisé, et, par suite, rendu sensible à autrui ; un signe social est un signe commun, et un signe commun est un signe matériel ; quand un état doit servir de signe commun à plusieurs consciences, il faut qu’il puisse être reproduit ou tout au moins imité par les muscles dont l’action est sous la dépendance de ces consciences ; bien plus, cette réalisation doit être également à la portée de tous les individus qui sont réunis en une même société. […] C’est ainsi qu’avec le langage commun se répand, par l’exemple et l’éducation, le sens commun de chaque groupe ethnique. […] Ces opérations diverses ont un fond commun : elles consistent avant tout à ralentir le cours de la pensée et, en portant l’attention sur les mots, à raviver les idées que les mots mal étudiés révèlent imparfaitement. […] Constant, Adolphe, Paris, Flammarion, « GF », 1989, p. 62-63). « les idiomes étrangers rajeunissent les pensées et les débarrassent de ces tournures qui les font paraître tour à tour communes et affectées » : idée qu’on peut rapprocher de l’éloge des traductions des littératures étrangères dans l’article de Mme de Staël en janvier 1816 à Milan (« De l’esprit des traductions ») et de l’utilité qu’elles gardent quelque chose du style de la langue originale pour contribuer à lutter contre ces fameuses « tournures communes ».]