Autre grief : l’ignorance étant extrême dans le pays, Besenval eut la pensée d’établir une bibliothèque publique où il commença par placer quatre mille volumes. […] Il ne crut point non plus devoir se rendre de sa personne à Soleure pour y lutter d’intrigue et d’argent, et travailler à faire casser le décret : « La chose était possible, dit-il ; mais, indépendamment de ce que je trouvais le théâtre un peu petit pour me donner la peine d’y préparer cette scène, elle m’aurait demandé du temps que je ne pouvais prendre qu’au détriment de ma machine militaire qui commençait à se monter, et qui voulait ma présence pour tendre à sa perfection. » Après avoir écrit une lettre de soumission respectueuse, il s’en remit donc au cours naturel des choses. […] M. de Levis, dans le portrait qu’il a tracé de Besenval, commence en ces termes : Le baron de Besenval était un officier suisse qui avait servi avec distinction pendant la guerre de Sept Ans ; il joignait à l’intrépidité qui de tout temps a caractérisé sa nation ce feu de valeur qui paraît appartenir à la nôtre ; il avait une belle taille, une figure agréable, de l’esprit, de l’audace : que faut-il de plus pour réussir ? […] Sa Majesté, après m’avoir recommandé le plus grand secret sur ce qu’elle allait me confier me raconta que, s’étant trouvé seule avec le baron, il avait commencé par lui dire des choses d’une galanterie qui l’avait jetée dans le plus grand étonnement, et qu’il avait porté le délire jusqu’à se précipiter à ses genoux en lui faisant une déclaration en forme.