Ainsi, au moment dont nous vous entretenons, la monarchie s’était faite homme dans Louis XIV, la Bible s’était faite homme dans Bossuet, l’Évangile s’était fait homme dans Fénelon, la comédie s’était faite homme dans Molière, la langue poétique moderne s’était faite homme dans Racine. […] » Mme de la Fayette, femme d’un goût sûr, parle avec le même sentiment, mais avec plus de sang-froid, de l’effet d’Esther sur la cour et sur le public ; mais on voit qu’elle en attribue le succès à la passion des applications religieuses et politiques qui en étaient faites ouvertement à la cour : « Ce succès ne se comprend pas, car il n’y eut ni petit ni grand qui n’y voulût aller ; et ce qui devait être regardé comme une comédie de couvent, devint l’affaire la plus sérieuse de la cour. Les ministres, pour faire leur cour en allant à cette comédie, quittaient leurs affaires les plus pressées. […] Il est impossible de ne point donner de louanges à la maison de Saint-Cyr et à l’établissement ; aussi ils ne s’y épargnèrent pas, et y mêlèrent celles de la comédie. » La maréchale d’Estrées, qui n’avait pas loué Esther, fut obligée de se justifier de son silence comme d’un crime.