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878. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Il préparait sa leçon huit jours à l’avance, idées, plan, style, métaphores, et jusqu’aux mots saillants ; il l’écrivait ; il la récrivait ; il l’apprenait par cœur ; il la répétait devant ses amis, devant les indifférents, devant tout le monde. […] Sa philosophie n’était point spéculative, mais pratique ; de son cerveau, elle descendait dans son cœur, puis dans tout son être, et l’engageait tout entier. […] Dans de pareilles âmes, les dogmes déracinés arrachent et emportent avec eux les parties les plus vives et les plus sensibles du cœur. […] Pour nous arracher aux distractions du dehors et aux intérêts sensibles, il faut des idées enflammées et dévorantes ; la force des résistances qu’elles surmontent mesure la force d’obsession qu’elles possèdent ; d’un homme elles font un moine ; et quand volontairement un laïque aujourd’hui se fait moine, c’est qu’il le veut de tout son cœur. […] Il avait beau retenir son cœur, il y était mené de force ; s’il empruntait à sa méthode et à ses preuves des raisons de croire, sa croyance venait de ses souvenirs et de ses aspirations.

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