Ce fut son talent qui fit sa vie ; et cette vie toujours calme, aisée, honorée, et qui monta sans luttes et sans obstacles jusqu’à cette dignité de rang qui est la dernière caresse de la fortune à ceux qui pourraient s’en passer, puisqu’ils ne vivent que pour les jouissances de l’esprit, a plus d’un rapport avec l’existence d’un homme heureux aussi parmi les poètes, mais qui, à son déclin, sentit dans le fond de son cœur le souci cruel de la confiance trahie et sur son front la sueur de sang du travail forcé. […] « L’idylle hébélienne — disait en 1847 un critique distingué, le professeur Rapp de Tübingen, — est dans la littérature allemande quelque chose de si complètement à part, que nous ne la comprenons pas nous-mêmes dans le cercle ordinaire de la littérature, À nous, Allemands du sud, à qui Hebel tient si fortement au cœur, cela fait déjà mal quand on nous dit que quelqu’un a cherché à traduire ces poésies en haut allemand ; car il y a pour nous comme une profanation de l’intimité avec laquelle nous honorons ces produits. » Et le mot produits est bien dit, il marque mieux qu’un autre l’autochtonie du talent de Hebel. […] On a chaud de toute cette bonne et grasse couleur qu’il étend sur la nature et les choses visibles ; on est tout attendri du sentiment moral qui spiritualise et poétise cette couleur d’École hollandaise appliquée sur des sujets allemands, fomentations délicieuses pour l’imagination et pour le cœur !