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1798. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Fléchier ne cite que rencontres, soldats embauchés, affaires de grandes routes et guet-apens. […] S’il cite des traits de mœurs, ce sont des traits de mœurs politiques. […] J’ai relu l’Anabase de Xénophon, et avec tant de plaisir que je demande la permission d’en citer et d’en commenter quelques pages. […] Mais, ce qu’on peut citer, ce sont des portraits dans lesquels il voit, par une divination de peintre et de physiologiste, le caractère à travers le tempérament, et reconstruit le moral par le physique. […] Saint-Simon se figure le détail précis, les angles des formes, la nuance des couleurs, et il les note avec une netteté de peintre ou de géomètre ; je cite tout de suite, pour être précis et l’imiter ; il s’agit de la Vauguyon, demi-fou, qui un jour accula Mme Pelot contre la cheminée, lui mit la tête entre ses deux poings, et voulut la mettre en compote, « Voilà une femme bien effrayée qui, entre ses deux poings, lui faisait des révérences perpendiculaires et des compliments tant qu’elle pouvait, et lui toujours en furie et en menace. » Legendre, un mathématicien, n’eut pas mieux dit. — Chose inouïe dans ce siècle, il imagine le physique comme Victor Hugo ; sans métaphore, ses portraits sont des portraits : « Harlay était un petit homme, vigoureux et maigre, un visage en losange, un nez grand et aquilin, des yeux beaux, parlants, perçants, qui ne regardaient qu’à la dérobée, mais qui, fixés sur un client ou sur un magistrat, étaient pour le faire rentrer en terre ; un habit peu ample, un rabat presque d’ecclésiastique, et des manchettes plates comme eux, une perruque fort brune et fort mêlée de blanc, touffue mais courte, avec une grande calotte par-dessus.

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