Et puis une autre raison encore me fait aimer et respecter Victor Hugo : nous avons presque commencé ensemble cette longue traversée de la vie, où le hasard, qui est Dieu aussi, fait embarquer à la même date, sur la même nef, dans les mêmes circonstances et sur la même mer, ces passagers plus ou moins mémorables qu’on appelle des contemporains. […] Mais l’idée d’écrire sur l’œuvre d’un homme proscrit par lui-même sans doute, mais enfin proscrit par les circonstances, comme ferait à peine un ennemi, cette idée, sans convenance et sans mémoire, ne me vint même pas ; il y a des tentations qui ne surgissent que dans des âmes infimes, dignes d’être tentées par ce qui est abject comme elles. […] Secondement, ce même Valjean devient parfaitement digne des galères par le vol, dépourvu de toutes circonstances atténuantes, de l’argenterie de l’évêque, et parfaitement caractérisé d’une vraie perversité aggravante, par l’hésitation entre assassiner ou épargner son sauveur, et parfaitement surchargé d’une criminalité odieuse par le vol de la pièce de quarante sous, à main armée, du pauvre enfant sans force et sans armes !