La soirée, cette soirée du mardi gras, passée dans la contemplation, à la façon dont on regarde un ciel bleu pailleté d’étoiles, dans la contemplation des bonnes feuilles de notre volume de Pages retrouvées : contemplation et mélancolique feuillètement de ces pages à l’encre encore fraîche, qui font revivre en moi le ressouvenir émotionné de l’élaboration de tous ces articles de notre début dans les lettres. […] Dimanche 16 mai Les grands desiderata de ma vie, ont été : — le Clodion représentant une montgolfière, au filet tendu autour du globe aérostatique, chevauché par une centaine d’Amours, poussé par moi, encore au collège, à 500 francs, et qui était à vendre, il y a une vingtaine d’années, chez Beurdeley : 65 000 francs ; — la grande tapisserie de Boucher, appelée « la Fête de village », manquée par un retard de voiture, à 800 francs chez Mme Saulière, et qui se vend maintenant 100 000 francs ; — une statuette de Saxe, aux chairs d’un rose adorablement pâle, une allégorie de l’Astronomie, représentée par une femme toute nue, regardant le ciel dans un télescope ; — un dessin de Watteau, la première idée de La Conversation, où était représenté M. de Julienne, vendu une soixantaine de francs, à une vente de Vignères ; — un dessin de Boucher représentant Madame de Pompadour, dans un faire miniaturé, au milieu d’un large encadrement composé avec les attributs des Arts, de la facture la plus large ; — une carpe dressée sur sa queue, en cristal de roche, du ton d’un verre de champagne rosé, et le plus joli et le plus doux feu d’artifice sous un coup de soleil, enfin un bibelot des Mille et Une Nuits. […] En dépit du manque de renseignements, nous nous arrêtons devant une maison, prête à s’effondrer, que nous devinons la maison habitée par les deux amants, près d’un vieux chemin qui s’interrompt dans le ciel, un chemin coupé à pic par la voie du chemin de fer, et qui doit être le chemin de Henri IV. […] Il dit tout ce qu’il y aurait mis maintenant, et décrit l’effet que lui avait fait à lui, accoutumé aux arbres d’un vert noir, aux rivières de la Provence roulant de la poussière, l’effet que lui avait fait le paysage lyonnais, avec la claire verdure de ses peupliers montant dans le ciel, et le murmure courant de ses ruisseaux, qui le poussait à courir affolé par la campagne, — et il cite un joli vers, un vers à la façon de la poésie de ces années, peignant cela, et qu’il a fait à onze ans : J’aime ouïr le frais murmure du ruisseau Dans le sentier……… Et encore, ajoute-t-il, j’ai eu le malheur de rencontrer quelqu’un, à qui j’ai lu le commencement de mon livre, et qui m’a dit que c’était enfantin.