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310. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Jamais les Condorcet en politique, les Saint-Lambert en morale, les Condillac en analyse philosophique, n’ont rencontré un jouteur plus serré et plus démontant ; car notez que, pour les réfuter, il ne dédaigne pas de prendre un peu de leur méthode ; il mêle un peu d’algèbre à son raisonnement, il a des formules pour revenir au ciel, et il se sert des mots exacts avant tout, il les presse et les exprime pour leur faire rendre tout l’esprit qu’ils recèlent et toute la pensée. […] Pour revenir au monde des idées et au ciel métaphysique de Malebranche, M. de Bonald nous fait repasser par la filière des mots et par la mécanique du langage de Condillac. […] Avec Bonald, au contraire, on est comme si l’on s’embarquait d’abord sur un fleuve assez peu navigable ; puis le patron vous fait entrer dans un canal, et vous met à bord d’un bateau exactement fermé, où l’on descend et où l’on est sans plus voir la lumière ni le ciel, et l’on ne peut sortir la tête et regarder sur le pont que par intervalles, pour apercevoir en effet d’assez hautes et grandes perspectives, mais en regrettant de les perdre de vue si souvent. […] Son raisonnement est serré et dense, et si subtil, qu’une fois qu’on est au-dedans, on ne voit presque plus le jour, ni ce ciel qu’il veut précisément nous montrer58.

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