Séjour commode pour vaquer au même travail spirituel, pour concentrer tous les élans de la pensée, toutes les forces d’aspiration qui les poussaient vers Dieu, mais séjour immobile, impuissant à nous porter par lui-même vers le ciel, à faire naître chez tous ses hôtes le sentiment de l’infini, la soif dévorante de l’amour divin qui avait animé les premiers architectes. […] Cependant, si après avoir déclaré : que nous sentons nous-mêmes jusqu’à la moelle des os le mystérieux frisson qui descend du haut des voûtes ogivales ; que nous entendons, comme un autre, les murmures de l’infini courir entre les piliers avec les soupirs de l’orgue, ainsi qu’ils courent à travers les sapins avec ces orages tant désirés qu’implorait la douleur de René ; qu’au pied de ces flèches gothiques, qui s’élancent dans le ciel comme la prière, notre âme aussi a souhaité les ailes de la colombe ou de l’aigle pour s’élancer d’un vol éperdu dans la sphère de l’idéal ; après cette énergique et sincère protestation, nous nous permettrons de dire : Que nous éprouvons aussi, en faisant le tour d’une cathédrale et en la considérant en plein soleil, à l’aspect de ces arcs boutants, de ces aiguilles, de ces terrasses d’inégale hauteur, de ces lignes droites et courbes qui se croisent et s’entrechoquent dans tous les sens, quelque chose qui nous gâte le sentiment de l’infini par celui de l’inachevé. […] Dans cette lumière étincelante et pure du ciel de l’Attique, les angles des frontons se découpent nettement, tous les détails des métopes et des frises restent dans leur élévation à portée de l’œil humain, et les immortelles sculptures de Phidias se déroulent devant vous. […] Sans doute le saint est supérieur au héros de toute la distance du ciel à la terre ; mais la vie de la terre a ses nécessités, et, dans ce conflit d’intérêts, de devoirs et de droits qui compose l’existence des nations, on risquerait souvent de tomber au-dessous de l’homme en voulant s’élever trop au-dessus. […] Mais la poésie devait jeter encore un vif éclat sur la langue française, et au moment même où le style et la forme poétique semblaient le plus complètement ruinés parmi nous, un charmant génie, né sous le ciel de la Grèce, allait renouveler le trésor de notre imagination en puisant dans cette source éternelle du beau que nous garde l’antiquité hellénique ; André Chénier retrouvait la forme du vers, au moment où Chateaubriand allait ressusciter parmi nous, avec le sentiment religieux, le principe même de la pensée poétique.