Et d’abord, à commencer par Dieu, ab Jove principium, nous trouvons, et avec regret, que cette magnifique et féconde idée est trop absente de leur poésie, et qu’elle la laisse déserte du côté du ciel. […] La poésie d’André Chénier n’a point de religion ni de mysticisme ; c’est, en quelque sorte, le paysage dont Lamartine a fait le ciel, paysage d’une infinie variété et d’une immortelle jeunesse, avec ses forêts verdoyantes, ses blés, ses vignes, ses monts, ses prairies et ses fleuves ; mais le ciel est au-dessus, avec son azur qui change à chaque heure du jour, avec ses horizons indécis, ses ondoyantes lueurs du matin et du soir, et la nuit, avec ses fleurs d’or, dont le lis est jaloux. […] Il est vrai encore que le paysage réfléchit le ciel dans ses eaux, dans la goutte de rosée, aussi bien que dans le lac immense, tandis que le dôme du ciel ne réfléchit pas les images projetées de la terre. Mais, après tout, le ciel est toujours le ciel, et rien n’en peut abaisser la hauteur. » Ajoutez, pour être juste, que le ciel qu’on voit du milieu du paysage d’André Chénier, ou qui s’y réfléchit, est un ciel pur, serein, étoilé, mais physique, et que la terre aperçue par le poète sacré, de dessus son char de feu, toute confuse qu’elle paraît, est déjà une terre plus que terrestre pour ainsi dire, harmonieuse, ondoyante, baignée de vapeurs, et idéalisée par la distance. […] Ses émotions rapides, qui toutes sont diverses, et toutes furent vraies un moment, rident tour à tour la surface de son âme, mais sans la bouleverser, sans lancer les vagues au ciel et montrer à nu le sable du fond.