L’histoire littéraire des siècles suivants, IIIe et IVe siècles, devient double dans les Gaules : la littérature païenne continue d’y fleurir, de s’y développer et d’y prédominer jusqu’à Ausone ; la littérature chrétienne semble se taire depuis la mort d’Irénée (au commencement du IIIe siècle), jusqu’à l’Africain cicéronien Lactance, venu à Trêves au ive siècle, et qui donna une Apologie du Christianisme assez éloquente et brillante. […] La littérature païenne et la littérature chrétienne se retrouvent en présence et comme aux prises au IVe siècle dans la personne d’Ausone et de saint Paulin. […] Saint Paulin, ami, disciple et compatriote d’Ausone, bien plus jeune que lui, nous offre le départ de la littérature chrétienne d’avec la païenne, et comme le rameau vert et vierge qui se détache du vieil arbre qui va mourir. […] Le duc de Luynes, retiré un moment parmi les solitaires de Port-Royal et veuf de sa sainte épouse, y traduisait, pour se consoler et s’édifier, quelques lettres de saint Paulin : « Paulin et Théraise, pécheurs, aux saints et très-chers frère et sœur en Jésus-Christ, Apre et Amande 13. » La littérature chrétienne, dans sa rudesse de forme, triomphe décidément : elle seule a assez de vie pour lutter avec les calamités qui menacent le monde et pour prendre racine dans la tempête. […] Je ne poursuivrai pas cette énumération, messieurs, pour le v e siècle : qu’il suffise de signaler Salvien, prêtre de Marseille, puissant dans l’accusation et dans l’invective, éloquent et déclamatoire, et Sidoine Apollinaire, évêque et politique, qui mêle un reste d’Ausone à la littérature chrétienne, — tous deux témoins curieux, expressifs, des malheurs et des mœurs du temps, et le dernier surtout (Sidoine), dont les ouvrages sont le répertoire le plus complet pour faire retrouver au vrai et pour nous représenter la société de ces âges dans sa civilisation raffinée encore, bien qu’expirante.