Le ressort et la direction venaient d’ailleurs ; la croyance et l’obéissance étaient des héritages ; un homme était chrétien et sujet parce qu’il était né chrétien et sujet Autour de la philosophie naissante et de la raison qui entreprend son grand examen, il y a des lois observées, un pouvoir reconnu, une religion régnante ; dans cet édifice, toutes les pierres se tiennent, et chaque étage s’appuie sur le précédent. […] Bien loin de détruire, elle consolide ; en effet, jusqu’à la Régence, son principal emploi, consiste à faire de bons chrétiens et de fidèles sujets. […] En face du dogme et du culte régnants, on développe, avec une ironie ouverte ou déguisée, ceux des diverses sectes chrétiennes, anglicans, quakers, presbytériens, sociniens, ceux des peuples anciens ou lointains, Grecs, Romains, Égyptiens, Mahométans, Guèbres, adorateurs de Brahma, Chinois, simples idolâtres. […] » Toutes les souillures qu’il a contractées lui viennent du dehors ; c’est aux circonstances qu’il faut attribuer ses bassesses et ses vices : « Si j’étais tombé dans les mains d’un meilleur maître…, j’aurais été bon chrétien, bon père de famille, bon ami, bon ouvrier, bon homme en toutes choses. » Ainsi la société seule a tous les torts Pareillement, dans l’homme en général, la nature est bonne. « Ses premiers mouvements sont toujours droits… Le principe fondamental de toute morale, sur lequel j’ai raisonné dans mes écrits, est que l’homme est un être naturellement bon, aimant la justice et l’ordre… L’Émile en particulier n’est qu’un traité de la bonté originelle de l’homme, destiné à montrer comment le vice et l’erreur, étrangers à sa constitution, s’y introduisent du dehors et l’altèrent insensiblement… La nature a fait l’homme heureux et bon, la société le déprave et le fait misérable412. » Dépouillez-le, par la pensée, de ses habitudes factices, de ses besoins surajoutés, de ses préjugés faux ; écartez les systèmes, rentrez dans votre propre cœur, écoutez le sentiment intime, laissez-vous guider par la lumière de l’instinct et de la conscience ; et vous retrouverez cet Adam primitif, semblable à une statue de marbre incorruptible qui, tombée dans un marais, a disparu depuis longtemps sous une croûte de moisissures et de vase, mais qui, délivrée de sa gaine fangeuse, peut remonter sur son piédestal avec toute la perfection de sa forme et toute la pureté de sa blancheur.