La forme extérieure d’un roman commence au style, et aimer un certain style, c’est pour un lecteur éprouver que les conditions de sonorité, de couleur, de précision, de grandeur et d’éloquence, suivant lesquelles les mots ont été choisis et assemblés, sont celles qui réalisent ou du moins qui ne choquent pas son idée vague de la propriété et de la beauté du langage, idée qui lui est personnelle, qui le caractérise puisque son voisin peut ne pas la partager, qui fait donc partie du cours de ses pensées et aide à le définir. […] On pourra, il est vrai, dire à cela qu’à part les artistes et les écrivains, la plupart des gens n’aiment pas, à leurs moments de loisir, se plonger dans des préoccupations ou des souvenirs analogues à ceux qui constituent le fond de leur activité habituelle, que des commerçants, des politiciens, des médecins choisissent des livres, des tableaux, des musiques, opposés de ton et de tendance aux dispositions dont ils doivent user dans leur vie active. […] Mais rien de moins juste que cette conclusion ; elle conduirait à admettre que l’on choisit, en général, plus librement, par une nécessité intérieure moins altérée de motifs pratiques, les carrières et les conditions que les plaisirs. […] Ni la race, ni le milieu, hostiles ou tout au plus indifférents à ces importations, n’ont pu pousser les artistes latins ou français à choisir à l’étranger des modèles, qu’ils ont altérés ou dépassés, mais dont l’influence est restée prépondérante.