Le temps n’était pas encore arrivé de discipliner la littérature, d’instituer des règles, de choisir. […] Lui-même est le premier de nos poètes qui ait choisi, qui ait eu du goût, qui ait fait des sacrifices à une raison générale, qu’il connaissait d’instinct avant qu’elle se fût clairement manifestée. […] Il y loue « la solidité des observations, beaucoup de savoir et d’esprit, sans aucune affectation ni de l’un ni de l’autre ; des termes choisis, mais sans scrupule et sans enflure, et des mots qu’on disait bannis par l’Académie, employés où il était nécessaire, pour protester contre le reproche d’innovation55. » On peut regretter de n’y pas trouver cet étonnement naïf et généreux qui nous saisit encore aujourd’hui à la vue de ces beautés si neuves et si charmantes, de ces vers si vigoureux et si délicats, de toutes ces grâces de la jeunesse dans le génie et dans les personnages qu’il crée. […] Le mal eût été grand si, à cette époque privilégiée, où la mode même avait plus de bon que de mauvais, le besoin de produire n’eût pas été plus fort que celui de choisir les termes, et s’il n’y avait eu plus d’ardeur pour enrichir la langue que pour l’épurer. […] Celui que Dieu avait choisi pour une tâche particulière, si habile qu’il y fût, ne s’y croyait néanmoins que l’instrument de tous.