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1070. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

La cour assiste à des combats d’ours et de taureaux, où les chiens se font éventrer, ou l’animal enchaîné est parfois fouetté à mort, et c’est, dit un officier du palais11, « une charmante récréation. » Rien d’étonnant qu’ils se servent de leurs bras, comme les paysans et les commères. […] Tels sont Nash, Decker et Greene ; Nash, satirique fantaisiste, qui « abusa de son talent, et conspira en prodigue contre les bonnes heures33  » ; Decker, qui passa trois ans dans la prison du Banc du Roi ; Greene surtout, charmant esprit, riche, gracieux, qui se perdit à plaisir, confessant ses vices34 publiquement, avec des larmes, et un instant après s’y replongeant. […] Un rêve bien vain, bien ridicule. » Certainement, il est bien conté et encore mieux choisi, de sens profond, et de sens fort clair. « Charmant démon, dit tout bas son frère, l’entremetteur, elle lui apprend sous couleur de rêve à expédier son mari et la duchesse. » En effet, le mari est étranglé, la duchesse empoisonnée, et Victoria, accusée des deux crimes, est amenée devant le tribunal. […] Philaster dit en parlant d’Euphrasie qu’il prend pour un page, et qui s’est déguisée ainsi pour obtenir d’être à son service102 : « Je l’ai rencontré pour la première fois assis au bord d’une fontaine, —  il y puisait un peu d’eau pour étancher sa soif, —  et la lui rendait en larmes. —  Une guirlande était auprès de lui faite par ses mains, —  de maintes fleurs diverses, nourries sur la rive, —  arrangées en ordre mystique, tellement que la rareté m’en charma. —  Mais quand il tournait ses yeux tendres vers elles, il pleurait — comme s’il eût voulu les faire revivre. —  Voyant sur son visage cette charmante innocence, —  je demandai au cher pauvret toute son histoire. —  Il me dit que ses parents, de bons parents étaient morts, —  le laissant à la merci des champs, —  qui lui donnaient des racines, des fontaines cristallines qui ne lui refusaient pas leurs eaux, —  et du doux soleil qui lui accordait encore sa lumière. —  Puis il prit la guirlande et me montra ce que chaque fleur, dans l’usage des gens de campagne, signifie, —  et comment toutes, rangées de la sorte, exprimaient sa peine. —  Je le pris, et j’ai gagné ainsi le plus fidèle, —  le plus aimant, le plus gentil enfant qu’un maître ait jamais eu. » L’idylle naît d’elle-même parmi ces fleurs humaines ; le drame suspend son cours pour s’attarder devant la suavité angélique de leurs tendresses et de leurs pudeurs. […] Titres ridicules aujourd’hui, parce qu’ils nous rappellent les fadeurs interminables de d’Urfé ou les gentillesses maniérées de Florian ; titres charmants, si l’on regarde la sincère et surabondante poésie qu’ils recouvrent.

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