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17. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

On les plaçait au centre des armées : « Viens nous voir combattre et mourir, et tu nous chanteras. » Et le guerrier qui tombait percé de coups, tournait ses regards mourants vers le poète qui était chargé de l’immortaliser. […] Ces chants se conservaient par la mémoire, et passaient d’âge en âge ; on les répétait dans les familles ; on les chantait dans les fêtes ; la veille des batailles ils servaient de prélude aux combats ; ils animaient le guerrier et servaient de consolation aux vieillards ; le héros qui ne pouvait plus combattre, assis sous le chêne, entendait chanter les exploits de sa jeunesse, et il était entouré de ses fils et de ses petits-fils, qui, appuyés sur leur lance, écoutaient en pleurant les actions de leurs pères. […] Les peuples qui brûlèrent Rome avaient des prétentions à la gloire ; chez eux les scaldes chantaient les héros ; souvent même ils gravaient ces chants et ces éloges, ou dans les forêts, ou en pleine campagne, et l’on en trouve encore aujourd’hui sur les rochers du nord. […] Tel est surtout l’ouvrage d’un de ces Scandinaves, qui, au neuvième siècle, fut en même temps roi, guerrier, poète et pirate, et qui, pris en Angleterre les armes à la main, condamné à mourir dans une prison pleine de serpents, chanta lui-même son éloge funèbre. […] Aujourd’hui les Islandais sont encore distingués par leur esprit ; mais ils ne chantent plus : ils chassent l’ours et le renard au lieu de célébrer les héros.

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