Rien dans la vie du collège et dans la parole de ses professeurs ne contribuait à favoriser le besoin d’évasion né de la mésentente familiale, ne le disposait à changer des chaînes pour d’autres. […] Traduire avec la perfection du génie, cela ne se voit, ne s’est vu et ne se verra jamais, d’abord parce que si on a du génie on ne l’emploie pas à des traductions, ensuite et surtout parce qu’il est aussi impossible à un génie individuel de faire passer l’âme d’une langue dans une autre langue qu’à un roi absolu de changer un homme en femme. […] Elle possède cette valeur suprême dans l’art du roman : changer selon une courbe réelle de vie, courbe qui n’est pas de logique extérieure, mais de vérité intérieure. […] J’imagine Fromentin écrivant après ce roman de la vie manquée le roman de la vie refaite, le roman de la transmission, dont il indique l’amorce : « Si j’avais été ce que je ne suis pas, dit Dominique, j’estimerais que la famille des De Bray a assez produit, que sa tâche est faite et que mon fils n’a plus qu’à se reposer ; mais la Providence en a décidé autrement ; les rôles sont changés. […] Il a ajouté un tiers de fragments nouveaux, qui changent déjà assez considérablement nos perspectives sur la vie intérieure d’Amiel.