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634. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

L’appréciation des œuvres littéraires ou artistiques, qui est affaire de goût personnel, varie et ne peut cesser de varier d’un individu à un autre ; mais ce qui est affaire de science, pure question de fait, je veux dire l’analyse des caractères qui distinguent un ouvrage, le relevé des rapports qui l’unissent aux choses du même temps, voire même la connaissance des causes qui font varier d’une époque à l’autre le genre de beauté à la mode, tout cela s’élève lentement au-dessus de la discussion. […] Ainsi, soit l’examen direct des effets produits par la science sur l’esprit, soit le souvenir des tentatives avortées d’un passé lointain ou voisin, tout semble démontrer que la science réduit sans cesse le domaine et menace même l’existence de sa rivale, et il n’est pas étonnant que certains savants, dignes pendants des littérateurs qui proclament la faillite de la science, aient gaillardement prononcé l’oraison funèbre de la poésie. […] Mais, sans compter que les vivants ne sauraient être condamnés à copier et recopier sans cesse les tableaux de leurs devanciers, est-il bien sûr que ce roman de l’humanité commençante vaille la réalité, telle que la préhistoire la démêle peu à peu dans l’obscurité d’un passé aux trois quarts effacé ? […] Il m’a paru qu’il serait bon de faire cesser ces étroitesses de goût, ces dédains réciproques, ces prétentions exclusives auxquelles les programmes d’enseignement servent encore aujourd’hui de champ de bataille.

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