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533. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Cet artiste si ingénieux et si littéraire par l’esprit était de ceux, en effet, qui se tourmentent eux-mêmes et qui le laissent trop voir ; il s’inquiétait des autres comme de lui ; il se comparait et se tâtait sans cesse ; il avait ce qu’on peut appeler l’organisation douloureuse. […] Pour mon compte, je viens de subir une rude épreuve contre laquelle je me roidissais depuis bien longtemps ; elle m’a confirmé dans la pensée que rien n’est plus fatal à un artiste que son éloignement de la multitude et du froissement du monde : l’isolement ne laisse prendre aucun repos à sa pensée dominante ; son sommeil même ne lui procure plus le moindre délassement ; une seule idée le domine sans cesse : elle l’use et l’énerve à force d’y songer, et, au bout du compte, il finit par ne plus savoir où il en est, faute d’objet de comparaison d’une part, et de l’autre parce qu’il ne rencontre plus sur sa route cet imprévu qui donne à chacun de nous la connaissance de sa force. » « Je suis convaincu, mon cher ami, que l’affaiblissement dans lequel je suis tombé est prématuré, que si les circonstances déplorables qui depuis une année ont changé mes rapports avec la société32 ne s’étaient pas présentées, je suis persuadé, dis-je, qu’il m’aurait été possible de soutenir plus longtemps le rang que mes travaux m’avaient assigné. […] Dans son délire, son regret le plus vif, et qui s’exhalait sans cesse de ses lèvres, était de mourir dans son lit : « Mourir dans mon lit comme un épicier ! […] Huguet, neveu d’Horace Vernet, qui n’a cessé, dans tout le cours de ce travail, de me renseigner utilement et de m’aider de ses souvenirs.

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