Elle ne cesse que le jour où la nation a disparu, où sa langue est devenue une langue morte. […] De même qu’elle n’a pas de commencement et qu’elle ne cesse qu’avec la nation et la langue, elle doit embrasser tout ce qui a été écrit. […] Il y a une littérature le jour où il y a un art ; avec l’art cesse la littérature. […] Si l’art est l’expression des vérités générales dans un langage définitif, les vérités de cet ordre et les termes qui ont servi à les exprimer n’étant pas sujets à changer ni à périr, il suit que l’histoire d’une littérature est l’histoire de ce qui n’a pas cessé, dans les œuvres littéraires d’une nation, d’être vrai, vivant, d’agir sur les âmes, de faire partie essentielle et permanente de l’enseignement public. […] Quelques-unes naissent spontanément et tout exprimées ; c’est la facile conquête de ceux qui sont nés sous une constellation heureuse : mais combien d’autres qui sont le fruit d’une poursuite ingrate ; qu’il faut remanier sans cesse ; qui, après avoir contenté un moment l’écrivain, le dégoûtent ; qui ne paraissent jamais qu’une image imparfaite du vrai, mais non le vrai lui-même !