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1182. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Ces pâles vampires des tables vertes de Windsor, qui ne suçaient pas le sang mais l’or qui devait entretenir leur luxe grandiose, élégants jusqu’à la chimère, cessèrent d’être hommes et devinrent des poupées terribles ; car elles avaient l’ironie, le sang-froid, l’audace, et un esprit mystificateur et cruel. […] Il n’a pas l’idéale noblesse de Callot, le plus idéal des artistes, qui élève la caricature aussi haut qu’elle peut monter, transforme la réalité sans cesser de la tenir d’une main puissante, nous pose des mendiants magnifiques drapés dans leurs guenilles comme dans des manteaux de rois, et des bourreaux tortionnaires à tournure d’archange, dardant la triple épée de feu au dos des coupables, mais il en a souvent l’audace, la cambrure, le tortillement italien, ce mouvement de serpent ou de diable (c’est la même chose depuis la Bible) qui donne aux types de l’auteur de La Tentation de saint Antoine ce je ne sais quoi de provocant et de passionné qui est certainement un des charmes de l’enfer. […] n’est pas celui d’Hoffmann ou d’Edgar Poe, mais qui s’appuie sur une réalité dont les proportions sont exagérées ou joyeusement grimaçantes ; et c’est à cette partie fantastique et impossible des Contes, où les faits, sous l’exhilarant caprice du conteur, cessent d’avoir les lignes, la mesure et le dessin des choses humaines, que la manière de Doré s’est le mieux ajustée.

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