C’est la répétition éternelle de ces trivialités dont on a été ennuyé tant de fois, qui cause le dégoût de notre siècle pour les vers en général, dégoût qu’il est impossible de se dissimuler. […] C’est là le grand mérite de Racine, la cause du charme qu’on éprouve en le lisant ; il a fort enrichi la langue, non par des expressions nouvelles, qu’il faut toujours hasarder très sobrement, mais par l’art heureux avec lequel il sait réunir ensemble des expressions connues, pour donner à son vers ou plus de force ou plus de grâce ; par la finesse avec laquelle il sait relever une expression commune, en y joignant une expression noble ; enfin par la simplicité unie partout à la noblesse, à la facilité et à l’harmonie. […] Quant aux tragédies en prose, cette discussion nous mènerait trop loin ; et si j’y entrais avec vous, j’ose croire que vous ne seriez pas mécontente de moi : mais quant à la sévérité des lois poétiques, je n’en voudrais rien relâcher ; et quant à la rime, malgré la monotonie qu’elle cause dans nos vers, je la crois indispensablement nécessaire à notre poésie, qui sans cela ne me paraîtrait plus distinguée de la prose.