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352. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

À vrai dire le fait que la plupart des hommes appartiennent à la fois à deux collectivités tout au moins, dont l’une est d’origine nationale et l’autre d’origine économique, est la cause qui jette tant de trouble et de complexité dans les rapports sociaux à presque toutes les périodes de l’humanité. […] Selon un Bovarysme essentiel, l’idée s’est donc réalisée d’une façon imprévue, l’effet contredisant la cause qui l’engendre. […] Or, on va voir que sous le masque de l’idée générale, l’idée humanitaire telle qu’elle est conçue par la nation anglaise, cache une attitude d’utilité purement anglaise, qui, appliquée en d’autres pays à la manière d’une vérité absolue, est pour ceux-ci une cause d’affaiblissement, alors qu’elle n’est ici rien d’autre qu’un expédient utile. […] Le temps différent, comme l’espace différent, est une cause de changement : il semble donc qu’une réalité modifiée par le temps soit exposée à se concevoir autre qu’elle n’est devenue si elle persiste à se concevoir selon l’image exacte de ce qu’elle fut naguère. […] Il me semble parfois que ce sont eux qui causent tous les malheurs du monde. » Ainsi en réglant avec rigueur sa conduite et sa moralité sur celle de l’ancêtre, l’homme du temps présent s’identifierait à tort avec un être différent de lui-même, il se concevrait autre qu’il n’est et cette fausse conception serait pour lui une cause de souffrance, d’affaiblissement et de trouble : car il userait toute sa force à accomplir des gestes auxquels son anatomie ne serait plus adaptée, ou qui ne seraient plus propres à le servir dans un milieu modifié.

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