/ 2930
408. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

Nous oublions trop que le grand caractère de l’Histoire c’est d’être une peseuse de poussière, et que des écroulements définitifs, des fins accomplies, conviennent mieux à cette Observatrice funèbre que des choses vivantes encore, qui déconcerteraient son œil et sa main. […] Sans être un poète de cette envergure et de cette hauteur, sans même avoir des facultés relativement supérieures, si Labutte avait eu seulement en lui cette poésie d’écho que les grands spectacles éveillent dans tout homme passablement organisé, il eût parlé autrement d’une époque dont Schiller disait : « Le Moyen Âge a sur nous l’avantage de la vertu poétique, — de l’enthousiasme du cœur, — de l’élan des idées, — de la force du caractère. […] Le pinceau maigrelet d’un homme qui ne se doute ni de la taille et de la musculature de ses modèles, ni de la profondeur de leurs physionomies, ni du caractère des événements qui les éclairent et qui les colorent, et dont la petitesse de raison philosophique fausse à tout instant le sens même extérieur de l’histoire. C’est que, pour peindre ou seulement sentir, dans une œuvre dont le caractère est plus pittoresque que réfléchi, la première nécessité est de voir juste, comme la seconde est d’idéaliser en restant vrai.

/ 2930