« Souvent traditionnelles, générales comme il convient à un esprit philosophique, effacées quelquefois par l’usage, peu nourries, toujours délicates, les comparaisons interviennent dans son style poétique non pas comme d’insistantes et serviles copies de la réalité, mais comme les allusions légères d’un esprit qui plane sur la nature. » M. de Pomairols observe aussi que, dans l’immense champ des images, « Lamartine choisit spontanément Tout ce qui monte au jour, ou vole, ou flotte, ou plane, parce que, occupé avant tout de l’âme, il se plaît à retrouver au dehors les attributs de légèreté, de souplesse, de transparence de l’élément spirituel. » Et encore : « C’est l’élément liquide qui fournit à Lamartine le plus grand nombre de ses images… Tous les phénomènes qu’offre la fluidité, aisance, transparence, reflets du ciel, murmures harmonieux, défaut de saveur peut-être, manque de limites et de formes arrêtées, tous ces caractères de la fluidité se confondent avec les attributs de l’imagination lamartinienne. » Et voici, entre beaucoup d’autres, un exemple bien joliment choisi et commenté, à l’appui de ces remarques : « Il est des êtres, semble-t-il, pour qui l’idée de pesanteur n’est pas à craindre, comme la jeune fille. […] Or, il est certain que Victor Hugo, par exemple comme Lucain, comme Juvénal, comme Claudien, encore qu’avec beaucoup plus de génie fatigue assez souvent et accable l’esprit par un éclat trop dur, par des saillies trop vigoureusement éclairées, par trop de perfection dans l’agencement du style, trop de justesse dans les jointures des phrases, trop d’exactitude dans les comparaisons, trop d’ordre et de symétrie dans la composition des morceaux, trop de « beautés » d’un caractère un peu étroitement « littéraire » et prévu par les Traités de rhétorique ; et qu’enfin, il y a trop de Boileau dans Victor Hugo, même dans le prodigieux versificateur des Contemplations et de la Légende des siècles. […] Ce caractère hindou de la poésie lamartinienne, je vous le rendrais clair jusqu’à l’évidence par des rapprochements ingénieux. […] Tout le morceau, qui est considérable (632 vers), demeure fidèle à ce caractère. […] Pareillement Ibsen : « Il n’est de grand que celui qui est seul. » Ainsi il semblerait que par moments, en haine de tout ce qui offusque dans le présent sa vision de charité universelle, Lamartine fût près de se réfugier dans le culte du moi (en sorte que nul sentiment d’un caractère religieux ne lui demeurât étranger) s’il n’était, avant tout, invinciblement, celui qui aime et qui se répand.