Afin d’éviter les considérations générales et trop vagues, je m’attacherai tout d’abord à des noms connus, et prenant Saint-Lambert, l’auteur des Saisons, je me rendrai compte de son insuffisance autrement encore que par le talent ; puis je toucherai rapidement à Delille, et seulement par ce côté ; choisissant, au contraire, chez nos voisins, le poète qui, non pas le premier, mais avec le plus de suite, de force originale et de continuité, a défriché ce champ poétique de la vie privée, William Cowper, j’aurai occasion, chemin faisant, de rencontrer toutes les remarques essentielles et instructives. […] Ce n’est pas que je les mette à côté l’un de l’autre… Et le 4 avril : Quand je vous dis que votre ouvrage est le meilleur qu’on ait fait depuis cinquante ans, je vous dis vrai. […] Il ne décrit la nature qu’imparfaitement, avec monotonie, sans aucune de ces images grandes et douces que les anciens ont connues : et comment en serait il autrement, puisque jusqu’en ses heures les plus recueillies et sur son banc de gazon, sous son prunier en fleur, il a d’un côté Montaigne ouvert (je le lui passe, quoique ce ne soit pas le moment), mais de l’autre il a La Pucelle ? […] Car tous, attachés qu’ils sont aux affaires et enchaînés à la rame qu’il est donné à si peu de pouvoir quitter, tous, quand déjà le flot de la vie sensiblement se retire et baisse, aspirent à quelque abri aux champs, sous les ombrages, là où, mettant de côté les longues anxiétés, ou ne s’en ressouvenant plus que pour ajouter un embellissement et comme un sourire à ce qui était doux déjà, ils puissent posséder enfin les jouissances qu’ils entrevoient, passer les années du déclin au sein de la quiétude, réparer le restant de leurs jours perdus, et, après avoir vécu dans la bagatelle, mourir en hommes.