« Puisque le but du poète doit être de nous procurer le plaisir qui vient de la pitié et de la terreur, il est clair qu’il faut qu’on trouve ces émotions dans les choses même que son œuvre nous représente. […] « Elle a encore cette supériorité, qu’elle atteint le but de son imitation avec de moindres développements ; or ce qui est condensé fait par cela même plus de plaisir que ce qui est délayé dans un long espace de temps ; et par exemple, je demande quel effet produirait l’Œdipe de Sophocle, si on l’allongeait en autant de vers que l’Iliade en compte. […] J’en conclus que la tragédie est évidemment supérieure à l’épopée, puisqu’elle atteint plus complètement le but qu’elle poursuit. […] Mais, je le déclare, si ces travaux, tout admirables qu’ils peuvent être, n’aboutissent qu’à satisfaire une curiosité vaine ; si les doctrines auxquelles ils doivent conduire sont obscures ou fausses ; si en traitant longuement des facultés et des actions de l’âme, on oublie de se prononcer sur ses destinées, la science peut encore applaudir ; mais la philosophie n’obtient pas ce qu’elle demande : elle a manqué le but qu’elle doit poursuivre. […] Maintenant, je le demande, si former ces croyances dans l’esprit humain, qui ne doit point vivre sans elles, c’est l’objet véritable de la philosophie ; si ces croyances sont bien le but supérieur que poursuit la pensée humaine, quelle valeur aura l’étude des faits de l’âme ?