Sa fonction est de réaliser en rêve le désir de bonheur qui fait le fond de notre vie intime. Mais, du bonheur ! […] Cette chasse au bonheur qui finit toujours mal, cette ivresse du désir que rien n’arrête, ni le crime, ni la vertu, c’est le rêve de vivre ! […] Ces habitants d’un infini qui ne saurait se déplacer ont souvent le tort de ne pas comprendre que l’humanité, dans sa vie active et pensive hors de l’art, s’efforce de rejeter une à une ses douloureuses contingences, — de ne pas comprendre qu’en s’élevant d’âge en âge vers plus de bonheur, c’est-à-dire vers plus de vérité, l’humanité s’élève aussi vers plus de beauté et tend les bras aux poètes. […] Mais dès que la raison se rend compte du but des commandements et des prohibitions des révélations précises, dès qu’elle voit que leur véritable sanction est dans la vie actuelle, elle perçoit du même coup qu’on l’avait leurrée (par pitié, par bonté, par prudence) en lui imposant l’espérance ou la crainte d’un bonheur ou d’un malheur sans fin.