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25. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

C’est en méditant sur l’ambition que je parlerai de tous les succès éphémères qui peuvent imiter ou rappeler la gloire ; mais c’est d’elle-même, c’est-à-dire, de ce qui est vraiment grand et juste, que je veux d’abord m’occuper ; et pour juger son influence sur le bonheur, je ne craindrai point de la faire paraître dans toute la séduction de son éclat. […] C’est donc au plus haut point de bonheur que l’amour de la gloire puisse donner, qu’il faut s’attacher pour en mieux juger les obstacles et les malheurs. […] Ces oscillations cessent avec les passions qui les produisent ; mais on vit au milieu d’elles, et leur choc, qui ne peut rien sur le jugement de la postérité, détruit le bonheur présent qui est exposé de tous les coups. […] Par une sorte d’abstraction métaphysique, on dit souvent que la gloire vaut mieux que le bonheur ; mais cette assertion ne peut s’entendre que par les idées accessoires qu’on y attache ; on met alors en opposition les jouissances de la vie privée avec l’éclat d’une grande existence ; mais donner à quelque chose la préférence sur le bonheur, serait un contresens moral absolu. […] S’il est donc vrai que choisir le malheur est un mot qui implique contradiction en lui-même ; la passion de la gloire, comme tous les sentiments, doit être jugée par son influence sur le bonheur.

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