Marivaux a eu ce bonheur, çà et là, de sentir vivement la réalité tout entière et de n’en rien mépriser, parce que, tout y étant lié et dépendant, tout y est significatif. […] C’est ce qu’on appelle un rôle « ingrat » : mais comme elle est vraie, cette petite fille sans mère, que personne n’a élevée, que la solitude et la sécheresse du couvent ont rendue à la fois défiante, volontaire, pimbêche et romanesque, avec un fonds de loyauté virile, comme il convient à une enfant qui s’est formée toute seule et qui par bonheur était bien née ! […] Je resaluerais la lumière, Mais je déplierais lentement Mon âme vierge et ma paupière Pour savourer l’étonnement ; Et je devinerais moi-même Les secrets que nous apprenons, J’irais seul aux êtres que j’aime Et je leur donnerais des noms… Si pour nous il existe un monde Où s’enchaînent de meilleurs jours, Que sa face ne soit pas ronde, Mais s’étende toujours, toujours… Et que la beauté, désapprise Par un continuel oubli, Par une incessante surprise Nous fasse un bonheur accompli Le désir douloureux d’autre chose que ce que nous avons, l’ennui de tourner en rond, la souffrance de nous sentir bornés et de n’être que nous, c’est à l’expression de ce sentiment que se ramène toute poésie lyrique.