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462. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

C’est-à-dire qu’il possédait, jointe à des connaissances positives, la vue supérieure du Christianisme sans laquelle il est impossible de juger la société antique et même de la comprendre, l’homme ayant besoin pour juger une chose de valoir mieux qu’elle, de la tenir sous ses pieds, de la dominer ! […] En effet, si, dans son livre sur les Césars, où il s’agit bien moins de ces hommes, qui totalisèrent dans leur personnalité monstrueuse les vices et les grandeurs de leur temps, que de la société même qu’ils dominaient, de cette plante sanglante et pourrie par le sang qui l’avait abreuvée et dont eux, les Césars, étaient la fleur immense, éclatante et vénéneuse, Champagny, pour nous en montrer les racines, creuse plusieurs civilisations ; si, dans son livre, l’érudit ne défaille jamais ; si l’antiquaire, aux yeux de lynx, voit ce qu’il y a de faits inobservés derrière un bas-relief ou un lambeau d’inscription ; s’il y a tour à tour en lui, pour les besoins de son histoire, du Champollion et du Cuvier ; et si, enfin, planant sur le tout, pénétrant tout, le moraliste achève de clarifier un sujet où l’énormité des choses les rend presque incompréhensibles, pouvons-nous dire que l’homme politique se montre, dans ce beau livre, au même degré que l’antiquaire, le moraliste et l’érudit ? […] Mais au jour où ces pages furent écrites, alors que le besoin de stabilité dominait tout, même les souvenirs du peuple et sa reconnaissance, comment admettre qu’il n’eût pas signalé — s’il l’avait vu — le caractère essentiellement monarchique de toutes les institutions crées par le premier Consul ?

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