Ce n’est ni l’amour de la vérité et de la vertu, ni la passion d’une cause, ni la haine de l’hypocrisie et du charlatanisme, ni la verve du bon sens et du bon goût qui l’anime, qui le transporte et lui fait vider son carquois : c’est un besoin de revanche et de représailles toutes personnelles. […] Ville heureuse où l’on est dispensé d’avoir du bonheur, où il suffit d’être et de se sentir habiter ; qui fait plaisir, comme on le disait autrefois d’Athènes, rien qu’à regarder ; où l’on voit juste plus naturellement qu’ailleurs, où l’on ne s’exagère rien, où l’on ne se fait des monstres de rien ; où l’on respire, pour ainsi dire, avec l’air, même ce qu’on ne sait pas, où l’on n’est pas étranger même à ce qu’on ignore ; centre unique de ressources et de liberté, où la solitude est possible, où la société est commode et toujours voisine, où l’on est à cent lieues ou à deux pas ; où une seule matinée embrasse et satisfait toutes les curiosités, toutes les variétés de désirs ; où le plus sauvage, s’il est repris du besoin des hommes, n’a qu’à traverser les ponts, à parcourir cette zone brillante qui s’étend de la Madeleine au Gymnase ; et là, en quelques instants, il a tout retrouvé, il a tout vu, il s’est retrempé en plein courant, il a ressenti les plus vifs stimulants de la vie, il a compris la vraie philosophie parisienne, cette facilité, cette grâce à vivre, même au milieu du travail, cette sagesse rapide qui consiste à savoir profiter d’une heure de soleil !