Sa beauté d’abord avait pu éclipser son esprit ; on n’y songeait pas en la voyant. Cette beauté faisant retraite avec les années, — une retraite bien lente —, et se voilant insensiblement, l’esprit avait apparu peu à peu, comme à certains jours, bien avant le soir, l’astre au front d’argent se dessine dans un ciel serein du côté opposé au soleil. […] Le trait distinctif et caractéristique de Mme Récamier est d’avoir inspiré de l’amour, un amour très vif, à tous ceux qui la virent et la cultivèrent, et, en ne cédant à aucun, de les avoir conservés tous, ou presque tous, sur le pied d’amis. « Il n’y a guère que vous dans le royaume, écrivait Bussy à sa charmante cousine, qui puissiez réduire un amant à se contenter d’amitié. » Mme Récamier, plus belle, et d’une beauté plus irrésistible, que Mme de Sévigné, peut-être aussi un peu plus coquette et plus irritante au temps de ses élégances, eut bien plus à faire qu’elle pour réduire ensuite au devoir et à la douceur d’un commerce uni ceux qu’elle enflammait. […] Ainsi la description du château de Maintenon, malgré l’intérêt qui s’attache à un si noble séjour, méritait d’être supprimée : la plume de M. de Chateaubriand, en ces derniers écrits, n’est plus elle-même. — L’observation faite, il n’en est pas moins vrai que ces deux volumes nous offrent sur une femme qui fut un modèle de beauté et de bonté, et sur le monde qu’elle eut le charme et l’art de grouper jusqu’à la fin autour d’elle, une quantité de pièces intimes, agréables, imprévues, qui permettent aux nouveaux venus, s’ils en sont curieux, de vivre pendant quelques soirées dans une intimité inespérée et des plus choisies.