Celui-ci avait laissé le jeune abbé en train de fortes études et de thèses théologiques ; il se le figurait toujours sous cet aspect : « Vous avez trop bonne opinion de ma vocation à l’état ecclésiastique, lui écrivait Rancé : pourvu qu’elle ait été agréable à Dieu, c’est tout ce que je désire… » On a beau relire et presser les lettres de cette date, on y trouve de bons et respectueux sentiments pour son ancien précepteur, un vrai ton de modestie quand il parle de lui-même et de ses débuts dans l’école ou dans la chaire, de la gravité, de la convenance, mais pas le plus petit bout d’oreille de l’amant de Mme de Montbazon. […] Dès que Rancé fut informé de son dessein, il lui écrivit pour le prier de passer la brosse sur tout ce qui le concernait ; cette lettre du 17 juillet est d’une humiliation de ton, d’un abaissement d’images qui sent plus l’habitué du cloître que l’homme de goût : non content de s’y comparer à un animal ( sicut jumentum factus sum ), Rancé trouve que c’est encore un trop beau rôle pour lui dans le paysage, et il descend l’échelle en ne voulant s’arrêter absolument qu’à l’insecte et à l’araignée. […] Cependant, comme il est difficile de se voir peint en beau sans en prendre quelque complaisance, j’appréhende avec raison que je n’y en aie pris plus qu’il n’appartient à un mort, et que vous n’ayez en cela donné une nouvelle vie à mon orgueil et à ma vanité, et je vous en dis ma coulpe. » Voilà qui est de l’homme d’esprit resté tel sous le froc, de celui dont Nicole disait qu’il avait un style de qualité. […] Quoi qu’à la simple lecture ces lettres de Rancé, si on n’y prend pas garde, semblent uniformes, et toutes assez semblables entre elles, on en extrairait quantité de belles et grandes pensées ; j’en ai déjà donné plus d’une et je les ai détachées ainsi à dessein, car, comme elles sont dans un fond sombre, il est presque nécessaire de les offrir à part pour les faire remarquer.