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1089. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

que le son du cor est triste au fond des bois est bien belle. Mais, ici, l’action du poète est encore plus belle et plus poétique que ses vers ! […] — je les retrouve à toute place dans ce recueil de poésies, et avec un accent plus mâle et plus grandiose encore que celui des vers que je viens de citer : Ce Sisyphe éternel est beau, seul, tout meurtri, Brûlé, précipité, sans jeter un seul cri, Et n’avouant jamais qu’il saigne et qu’il succombe À toujours ramasser son rocher qui retombe. […] Ils ressemblent aux rubis de Wanda, dans la belle pièce de ce nom : Vos mains, par ces rubis, semblent ensanglantées ? […] Voilà pourquoi je me détourne avec regret de ces poésies qui n’ajoutent rien à ce qu’on sait du poète charmant, transparent et lumineux, qui s’est éteint dans le sombre bronze que voici, dans ce bronze du mépris qu’une créature humaine n’obtient jamais qu’à force de se briser… Pour nous qui croyons que les plus belles poésies ne sont jamais faites pour la volupté intellectuelle de faire des vers, mais pour se soulager d’une oppression sublime, d’un étouffement titanique du cœur sous le poids d’un grand sentiment, pour nous qui avons dit combien l’homme dans Alfred de Vigny était toujours le poète, ces poésies dernières nous font mieux comprendre cet homme que nous avons connu.

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