Bien des années avant de prendre à Diderot son Neveu de Rameau, il avait pris à Richardson sa Clarisse, qu’il avait non pas traduite, mais concentrée dans un style autrement poignant, étincelant et beau que celui de l’auteur anglais. […] Victor Cousin, qui était un styliste, et qui avait plus de style que de philosophie, s’écriait un jour qu’il donnerait le monde pour une belle phrase. […] Ses plus belles, ses plus souples, ses plus éclatantes phrases, il les écrivait : va comme je te pousse ! […] Lamartine seul, dans ce siècle anti-romanesque, — le mélancolique et beau Lamartine, qui eut le don de faire rêver toutes les femmes de l’Europe et peut-être de l‘Asie, — car en Asie elles rêvent, maintenant, — avait eu la fortune d’un pareil mariage, et Janin le recommença. […] C’était en ce temps-là un joyeux garçon aux belles dents rieuses, frais comme une rose-pomme épanouie parmi tous ces pâles de Paris, au regard très doux et un peu indécis, un de ces regards qu’on appelle à la Montmorency et dont l’indécision, qui vous lutine, est plus piquante… Il avait de magnifiques cheveux noirs bouclés comme un pâtre de la campagne romaine, et qui, pour boucler, n’avaient pas besoin des papillotes que se plantait le grave Lerminier sur sa forte tête philosophique et législative.