Le héros des Mémoires est le chevalier, depuis comte de Grammont, l’homme le plus à la mode de son temps, l’idéal du courtisan français à une époque où la Cour était tout, le type de ce personnage léger, brillant, souple, alerte, infatigable, réparant toutes les fautes et les folies par un coup d’épée ou par un bon mot : notre siècle en a vu encore de beaux restes dans le vicomte Alexandre de Ségur et le comte Louis de Narbonne. […] Il faut qu’autour de lui tout soit disposé et lui prête faveur ; il faut que le climat, en quelque sorte, soit préparé ; qu’au milieu des sots et des grossiers dont le monde, et le plus beau monde, en tout temps fourmille, une élite d’esprits assortis se recueille, se rassemble dans un coin, et sache l’écouter et lui répliquer ; s’il parle à voix basse, que rien ne s’en perde ; s’il ne dit que ce qu’il faut, qu’on ne lui en demande pas davantage ni surtout trop. […] Non pas absolument, je ne le crois pas ; mais elle sera de moins en moins en vue, et dans un moins beau jour. […] À Turin, la galanterie commence ; les belles dames y sont nommées par leur nom, et c’est un autre trait de mœurs encore que ces Mémoires aient pu paraître en 1713, c’est-à-dire du vivant d’Hamilton, avec tous ces noms propres et ces révélations galantes, sans qu’il en soit résulté aucun éclat. […] Je passerais encore que le président Tambonneau, venu en Angleterre pour briller, et voyant qu’il y perd sa peine, retourne en France aux pieds de ses premières habitudes, c’est-à-dire de sa première maîtresse ; mais c’est trop que le fat Jermyn ne soit dans toute sa personne qu’un trophée mouvant des faveurs et des libertés du beau sexe.