Cela dit, et se croyant en mesure de prendre tout son plaisir sans trop de péché, il se lance dans sa voie, et définit admirablement l’histoire telle qu’il la conçoit, dans toute son étendue, ses embranchements, ses dépendances, et avec la moralité finale qu’on en peut tirer, si après tout un véritable esprit religieux s’y mêle ; car, de cette multitude de gens qui en sont les acteurs, remarque-t-il, « s’ils eussent pu lire dans l’avenir le succès de leurs peines, de leurs sueurs, de leurs soins et de leurs intrigues, tous, à une douzaine près tout au plus, se seraient arrêtés tout court dès l’entrée de leur vie, et auraient abandonné leurs vues et leurs plus chères prétentions », reconnaissant qu’il n’y a ici-bas rien que néant et que vanité. […] Il était mal avec Monseigneur et avec ses entours ; aussi cette nouvelle soudaine du danger où se trouvait le malade lui fut tout d’abord des plus agréables ; il le confesse sans hypocrisie : « Je passai, dit-il, la journée dans un mouvement vague de flux et de reflux, tenant l’honnête homme et le chrétien en garde contre l’homme et le courtisan. » Mais il a beau faire et se tenir de son mieux, l’homme naturel l’emporte, et il se laisse aller à des espérances riantes d’avenir ; car il était très bien avec la petite cour du duc de Bourgogne, lequel, par la mort de son père, se trouvait ainsi à la veille de régner. […] Il s’indignait de voir autour de lui ces types de plate et servile courtisanerie, cette race des Villeroi, des Dangeau, des d’Antin, et il ne prévoyait pas encore, dans un avenir prochain, ces autres extrêmes et qui ne l’auraient pas moins désolé, ces gentilshommes passés à la démocratie et la guidant à l’assaut, les Mirabeau, les La Fayette, les Lameth, et le plus excentriquement démocrate de tous, son propre descendant à lui-même.