Quant à moi, j’y saisis l’expression la plus complète, la plus précise et la plus raffinée de cet état spécial a quelques-uns de nos jeunes artistes, que je qualifierais de terreur du réel ou d’onanisme mental. […] A quel instinct ou à quel sentiment peuvent donc obéir ceux de nos jeunes artistes auxquels je viens de faire allusion, en fermant leurs yeux au monde pour préserver de contacts impurs le développement de leurs consciences, en se livrant à ces jouissances secrètes, à cette culture intensive et exclusive du « moi », qui les sépare de toute humanité ? […] Panizza Poussé par un sentiment d’amertume à l’égard d’un groupe d’artistes, que je me permis de nommer, non sans flatterie pour eux, les Narcisse modernes, j’écrivis contre cette école bizarre un réquisitoire assez violent, dont un livre de vers m’avait fourni le thème. […] On m’objectera que ceux-là ne furent pas seulement des intellectuels et des métaphysiciens ; mais c’est justement parce qu’ils furent à la fois, et dans une harmonie supérieure, des penseurs et des artistes, qu’ils sont une preuve vivante de ce que je soutiens, à savoir que la génialité plonge ses racines dans la sensualité, loin d’en être l’ennemie. […] Entre la contemplation sereine du savant, du philosophe ou de l’artiste de génie, et la vision extatique de l’ascète, il y a toute la distance qui sépare le sens visuel de l’homme sain du regard halluciné d’un malade que dévore la fièvre.