/ 1746
1610. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

2º L’Artiste, l’Homme et le Poète. — La première partie de la vie de Jean de La Fontaine [1621-1660]. — Son éducation négligée ; — son passage à l’Oratoire ; — son mariage [1647] ; — et comment, sans Molière, il n’eût sans doute été qu’un « précieux » et un « libertin ». — Son adaptation de l’Eunuque de Térence, 1654 […] L’Artiste. — Un mot de Mme de La Sablière sur le Fablier. — Pour la raison même qu’il n’a jamais pris la vie au sérieux, et qu’il a vécu comme en marge d’elle, la vie n’a donc été qu’un spectacle pour lui. — En quoi cette disposition d’esprit est éminemment « artiste » [Cf.  […] Bouilhet] ; — et qu’en même temps que le décousu de l’existence de La Fontaine elle explique le caractère unique de ses Fables en leur temps. —  Corneille a eu des intentions ; — Molière a soutenu des thèses et des combats ; — La Fontaine ne s’est proposé que de peindre ce qui lui plaisait ; — ou même ne s’est rien proposé du tout, que de se faire plaisir. — Explication par là du caractère de sa prétendue satire ; — et exagération de Taine à ce sujet. — Que les hommes soient pervers et les femmes bavardes ; — que les riches soient insolents et que les pauvres soient habituellement plats ; — que les grands soient tyranniques et que les petits soient complaisants ; — ou que le lion soit enfin le roi des animaux et que l’âne en soit l’éternelle dupe, rien de tout cela n’indigne ou n’irrite La Fontaine ; — ce qui est pourtant la première condition de la satire. — Il n’y a point de satire sans intention morale. — Mais La Fontaine « constate » et ne juge jamais. — Sa malice ne va pas au-delà de l’amusement qu’un pauvre diable de philosophe trouve à prendre un des grands de ce monde en flagrant délit de sottise ; — il estime d’ailleurs que tout ce qui est humain, étant « naturel », a les mêmes droits à l’attention du peintre ; — et c’est ainsi que son épicurisme d’artiste le conduit insensiblement au naturalisme. […] L’Artiste. — Mais il y avait un « artiste » en La Bruyère ; — nous dirions aujourd’hui un styliste ; — bien plus encore qu’un moraliste ; — et nous en trouvons la preuve dans cette étrange parole : — « Moyse, Homère, Platon, Virgile, Horace ne sont au dessus des autres écrivains que par leurs images. » — Boileau, qui eût été volontiers de cet avis, y avait mis du moins la restriction : Avant donc que d’écrire, apprenez à penser. […] — N’y a-t-il pris qu’une satisfaction d’artiste à « défigurer » l’antiquité selon l’image qu’il s’en formait ?

/ 1746