et, quand ils en sont arrivés à penser, et très sérieusement, comme Flaubert, qu’un « assemblage de mots, indépendamment de ce qu’il exprime », avait en soi sa beauté, n’ont-ils pas été dupes d’une véritable hallucination d’art ? […] L’Obéissance passive ; Toulon ; L’Expiation] ; — où non seulement on saisit, — mieux encore que chez le poète indigné des Ïambes, — la parenté de la satire et du lyrisme ; — mais encore où l’on surprend le passage du mode lyrique au mode épique. — Il semble d’abord qu’on les voie moins bien dans les Contemplations, 1856. — Mais il faut observer que, si les Contemplations n’ont paru qu’en 1856, — tout un volume en est antérieur à 1848 [Cf. notamment À Villequier, et toutes les pièces sur la mort de sa fille] ; — et des pièces comme Horror ou Les Mages relient déjà la deuxième à la troisième manière du poète. — Au contraire la Légende des siècles, 1859, — est tout à fait caractéristique de cette seconde manière ; — et bien que lyrique encore, ou satirique [Cf. le début de La Rose de l’Infante] ; — en tant qu’Hugo n’y oublie point ses rancunes, ou ses haines ; — cette seconde manière est plutôt épique ; — si, par exemple, on ne voit point que le poète ait eu d’autre raison d’écrire son Booz endormi, — et quelques autres pièces de même nature, — que la tentation d’y réaliser sa vision des temps écoulés. — Il ne décrit point pour décrire ; — mais les choses l’intéressent en elles-mêmes pour ce qu’elles sont ; — et, parce qu’elles sont ; — et, telles enfin qu’elles furent. — Il s’occupe même des choses qui ne l’intéressent point personnellement ; — ce qui serait la définition même de la description épique ; — si d’ailleurs, comme au temps des Orientales, Hugo ne demeurait trop indifférent à la « vérité pure » de ces choses ; — et ne continuait à les représenter telles qu’il se les imagine ; — sans jamais éprouver de doute sur l’infaillibilité de son imagination. — C’est ce qui lui arrive également dans les Chansons des Rues et des Bois, 1865 ; — qui retournent au lyrisme, par le caprice ou la « folâtrerie » souvent énorme de l’inspiration ; — par la variété de l’exécution ; — et par la liberté qu’il s’y donne de ne recevoir et de ne respecter aucune contrainte. […] L’Ecclésiaste], toute une jeunesse, — que l’effort de quarante ans de labeur et de méditation — n’aboutissait qu’aux conclusions où « Gavroche arrive du premier coup ».