Un duc et pair arrive, nous tire du parterre, nous mène dans les coulisses, nous montre les gens débarrassés du fard que les peintres et les poètes ont à l’envi plaqué sur leurs joues. […] « Je l’interrompis et lui dis que c’était chose d’honneur, indispensable, promise, attendue sur-le-champ, et, sans attendre de réplique, pris la clef du cabinet, puis les lettres d’État, et cours encore. » Cependant le duc de Richelieu arrivait avec un lavement dans le ventre, fort pressé, comme on peut croire, « exorcisant » madame de Saint-Simon entre deux opérations et du plus vite qu’il put : voilà Molière et le malade imaginaire. — Ces gaietés ne sont point le ton habituel ; la sensibilité exaltée n’est comique que par accès ; elle tourne vite au tragique : elle est naturellement effrénée et terrible. […] Et il est très-souvent arrivé que je lui ai fait des sorties chez M. le duc d’Orléans et au conseil de régence, dès que j’y trouvais le moindre jour, dont le ton, les termes et les manières effrayaient l’assistance, sans qu’il répondît jamais un seul mot ; mais il rougissait, il pâlissait et n’osait se commettre à une nouvelle reprise. […] Il excellait en basses intrigues, il en vivait, il ne pouvait s’en passer, mais toujours avec un but où toutes ses démarches tendaient, avec une patience qui n’avait de terme que le succès ou la démonstration réitérée de n’y pouvoir arriver, à moins que cheminant ainsi dans la profondeur et les ténèbres, il ne vît jour à mieux en ouvrant un autre boyau. […] Quand un homme nous met le feu au cerveau, nous nous sentons presque du génie sous la contagion de sa verve ; par la chaleur notre esprit arrive à la lumière ; l’émotion l’agrandit et l’instruit.