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342. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Elle les trouve chez eux : l’une est assise auprès du foyer avec les femmes qui la servent, filant sur sa quenouille une laine teinte de la pourpre des mers ; elle rencontre l’autre comme il sortait pour se rendre avec ses chefs illustres au conseil où les nobles Phéaciens l’appelaient ; elle s’arrête tout près de son père bien-aimé, et lui dit : « “Père chéri, n’allez-vous pas me préparer un char élevé, aux fortes roues, afin que je porte vers le fleuve, pour les laver, les précieux vêtements que j’ai là tout malpropres ? […] Nausicaé prend les rênes brillantes et le fouet dont elle frappe pour le départ les deux mules, qui s’élancent bruyamment ; elles courent sans s’arrêter et emportent le linge et la jeune fille qui n’est pas seule ; car les suivantes vont aussi avec elle. […] « Elle dit, et donne ses ordres à ses suivantes aux beaux cheveux : « “Arrêtez-vous, mes compagnes ; pourquoi fuyez-vous à la vue d’un homme ? […] « À ces mots, elles s’arrêtent et s’encouragent entre elles ; puis elles conduisent Ulysse vers l’abri, comme le veut la fille du magnanime Alcinoüs : elles déposent ensuite tout près de lui des vêtements, un manteau et une tunique, lui donnent dans la fiole d’or l’huile onctueuse, et l’engagent à se baigner dans le courant du fleuve ; mais alors le divin Ulysse leur parle ainsi : « “Femmes suivantes, tenez-vous loin de moi, pendant que je laverai moi-même l’écume de la mer sur mes épaules et répandrai l’huile sur mon corps : il y a longtemps qu’il est privé de toute onction ; mais je ne me baignerai point devant vous, car j’ai honte de me dépouiller en présence de jeunes filles aux beaux cheveux.” […] « Vos tableaux de l’Orient, animés des couleurs de votre inépuisable palette, m’ont ramené, comme au temps de mes jeunes années, vers les rives du fleuve où Crithéis mit au jour le divin prodige ; vers ce Mélès qui m’a laissé apercevoir à peine quelques gouttes d’une eau limpide, arrêtée par les joncs et les cailloux de son lit ; puis sur ce siège d’Homère, où je me suis arrêté en récitant ses vers ; cette École du poète, autrefois l’honneur de Chios, maintenant colline abandonnée, témoin de l’incendie des flottes ottomanes et des désastres de 1823.

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