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555. (1887) Essais sur l’école romantique

Depuis, j’ai toujours gardé ma naïve et primitive croyance, et je pense encore que c’est pour de bonnes raisons que le poète s’est appelé poète, quand il pouvait tout aussi justement s’appeler écrivain, ou versificateur. […] Cela ne se serait pas appelé un sujet, du temps que ce n’était pas le poète qui fécondait le sujet, mais le sujet qui fécondait le poète ; à présent, cela s’appellera de la poésie ; car on aime mieux un poète sans sujet qu’un gros sujet sans poète. […] Or, ce que j’ai appelé discipline, c’est précisément ce consentement universel. […] À quoi donc se réduisent les attaques qui pourraient s’appeler personnelles ? […] On ne veut plus de ce style qui est à tout le monde et qui n’est à personne, de cette langue sacramentelle, où les mots s’appellent les uns les autres, où œil appelle bleu, front appelle jour, doigt appelle effilé et long, âme appelle profonde, et ainsi de suite, langue faite avant toute pensée, terre vague où paît en liberté tout le troupeau des imitateurs, gamelle où le dernier venu a aussi bonne part que le premier.

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