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522. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Laurent Pichat vient, parmi eux, de gagner sa place,· — mais, il faut en convenir, Baudelaire, la mâle Ackermann, et, plus près de nous, Jean Richepin, l’auteur de La Chanson des Gueux, — qui couvait son volume des Blasphèmes, — Richepin le toréador, qui prétend traiter Dieu comme le vil taureau auquel on passe une épée à travers le ventre, Richepin qui rirait bien de Pichat avec sa religion du progrès, qui n’est que du Christianisme déplacé, sont des blasphémateurs d’un autre poing montré au ciel et d’un autre calibre de passion impie que Pichat, l’égorgeur de songes, comme il s’appelle, et le pleureur sur les légendes religieuses auxquelles il a cru, et que, du fond de sa stérile et vide raison, il a l’air de regretter encore. […] Plus poète, plus vraiment poète quand il est involontairement le catholique du passé que quand il est l’athée de l’heure présente ; plus poète quand il remonte par la pensée dans ce monde qui a dormi (dit-il) que quand il est dans ce monde qui s’éveille, Laurent Pichat, au lieu d’appeler son livre : Les Réveils, aurait mieux fait de l’appeler : Les Regrets ; car ce qui vibre le plus dans ce livre et ce qui y prend irrésistiblement le cœur, c’est la vie vécue, c’est la puissance des souvenirs et leur mélancolie amère. […] C’est le commencement du volume, ce que le poète appelle La Clé rose : À l’inspiration qui dort, La vie est lentement rendue.

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