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1528. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Or MM. de Goncourt ont donné comme qui dirait la note la plus aiguë de la littérature contemporaine ; ils ont eu au plus haut point l’intelligence et l’amour de ce qu’ils ont appelé eux-mêmes la « modernité » ; ils ont enfin inventé une façon d’écrire, presque une langue, qu’on peut apprécier fort diversement, mais qui est curieuse, qui a eu des imitateurs et qui a marqué sa trace dans la littérature des vingt dernières années  Mais peut-être est-il nécessaire, pour les bien goûter, d’avoir un esprit peu simple et en même temps d’être de ceux « pour qui le monde visible existe3 ». […] Zola, il n’y a peut-être pas un abîme entre le romantisme et ce qu’il a appelé le naturalisme. […] Reid et Dugald-Stewart y sont appelés « les deux maîtres de la sagesse moderne7 », et le reste n’est pas moins étonnant. […] Ce n’est plus la « douce terreur » et la « pitié charmante » dont parlait Boileau : c’est quelque chose de plus désolé et de plus poignant ; c’est ce que je voudrais appeler une émotion pessimiste, une compassion qui, par-delà les souffrances particulières, va à la grande misère humaine, une sensation des fatalités cruelles. […] Tous deux écrivent purement ; tous deux respectent ce qu’on appelle le génie de la langue, c’est-à-dire, en somme, ses habitudes.

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