Tous les peuples ont le droit ou le devoir de courir sus à celui qui s’insurge contre le droit public : car ce droit public n’appartient pas seulement à une nation, il appartient à toutes. […] Louis XIV avait assis la maison de Bourbon sur le trône d’Espagne ; l’Angleterre avait anéanti la puissance navale des Espagnols ; la Hollande était redevenue indépendante ; les Pays-Bas n’étaient plus qu’une colonie politique presque détachée de l’empire ; la Prusse avait scindé l’Allemagne en deux influences hostiles l’une à l’autre ; Frédéric II avait emporté la Silésie, une partie de la Pologne et de grands lambeaux de l’Allemagne du Nord dans sa tombe ; la Russie, agrandie des trois quarts de la Pologne et d’immenses provinces en Orient, comptait soixante et dix millions de sujets, presque tous belliqueux, prêts à peser sur Vienne du même poids que les Ottomans y avaient pesé jadis ; l’Italie méridionale appartenait, avec Naples et l’Espagne, à la maison de Bourbon ; Venise, Gênes et la maison de Savoie possédaient les provinces les plus militaires et les plus maritimes de l’Italie du Nord ; le Tyrol et le Milanais étaient seuls restés annexés à l’Autriche, plutôt comme des têtes de pont sur les plaines lombardes que comme des possessions irrévocables et solidement incorporées à la monarchie autrichienne ; les petites puissances allemandes limitrophes du Rhin étaient une confédération molle et inoffensive qui donnait autant d’embarras que de poids à la cour de Vienne.